mercredi 28 avril 2010

Deux belges

Deux livres que j'ai lus récemment qui m'ont bien plu :
- Fuir, de Jean-Philippe Toussaint.
Je pense n'avoir pas lu de roman de Toussaint depuis ses tout premiers (La Salle de bain et L'Appareil Photo), conseillés par ma frangine, il y a plus de 20 ans.
"Fuir" commence comme un roman léger, avec cet humour froid, à la Kaurismaki un peu, par un voyage décalé en Chine. Et puis, à un moment - le plus drôle du roman - le récit bascule dans le désespoir, et la tentative malheureuse de l'évitement de la mort et du deuil.


- La Danse du Léopard, de Lieve Joris
Lieve Joris est une journaliste belge* néerlandophone assez incroyable. En 1997, elle se rend dans ce qui est, pour quelques mois encore, le Zaïre, au moment de la fuite de Mobutu et de l'arrivée de Kabila père. "La Danse du Léopard" est une plongée au plus profond d'un pays qui bascule : de Kinshasa à Kisangani, en passant par Lubumbashi ou le Kivu, Lieve se promène dans un pays-continent qui vit le plus grand bouleversement de son histoire, et livre une série d'instantanés d'une intelligence et d'une justesse dont je n'ai pas lu d'autre exemple en littérature, depuis, disons, Albert Londres.
Non seulement son récit est fondamental parce qu'il donne les clés de l'histoire récente du Congo, mais surtout il propose un exemple unique de travail journalistique et littéraire, d'autant plus salutaire qu'il concerne un sujet (l'Afrique, le Congo) à peu près complétement délaissé par les médias occidentaux - qui préfèrent, je suppose, proposer de sempiternels sujets sur le Moyen-Orient.

*Lieve Joris, Colette Braeckman, Thierry Michel : voilà la sainte trinité belge du Congo, trois spécialistes qui n'en finissent pas d'explorer l'histoire récente du pays et dont le travail - récits, reportages, films - est à peu près unique en ce qui concerne un pays africain. On aurait tant aimé que des Français soient capables d'un tel boulot concernant n'importe laquelle des anciennes colonies françaises. Mais non, en France, ça n'intéresse personne, parait-il.

Déchoir

Ce type là, Liès Hebbadj, qui veut que sa femme porte la burqa, qui fait le malin à la télé encadré de gros bras de sa mosquée, m'est particulièrement antipathique : il a tout du facho islamiste de base (le facho islamiste est pareil que le facho chrétien ou que le facho tout court : s'il ne s'habille pas pareil, les idées sont les mêmes).
Le droit de porter la burqa me semble être le droit le plus idiot possible. Le concept d'islamophobie me semble être une imposture intellectuelle (l'islam est une vue de l'esprit donc sujette à la critique au même titre que n'importe quelle idéologie, religieuse ou pas).

Mais le plus insupportable, ce n'est malheureusement pas cela. Le plus insupportable, c'est que des ministres de la République, des hommes politiques élus, prétendent 1. légiférer sur le code vestimentaire des citoyens 2. proposer la déchéance de la nationalité française d'un citoyen parce qu'il "aurait plusieurs femmes". Je ne sais pas si la polygamie est un délit plus grave que recevoir une rétro-commission pakistanaise par exemple - pour ne pas parler de l'assassinat ou du viol - mais il me semble, en revanche, particulièrement scandaleux que l'on puisse déchoir un citoyen français de sa nationalité, quelque soit la gravité de son crime ou le degré de sa connerie.

vendredi 23 avril 2010

Les moutons des Kerguelen

La lecture quotidienne de Clicanoo réserve parfois des suprises : j'apprends ainsi aujourd'hui que les TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises) s'apprètent à lancer une campagne d'extermination des moutons des Kerguelen et des vaches de l'île Saint-Paul.

De vastes troupeaux de ces animaux semblent s'être contitués, à la suite de leur introduction (depuis la Réunion, pour les vaches) il y a un peu plus d'un siècle.

Pour l'administration, il s'agit d'éliminer des animaux exogènes qui mettent en danger le fragile équilibre naturel de ces îles encore préservées.


Mais rien n'est simple, et un vétérinaire, ancien chef de district de Saint-Paul et Amsterdam, s'y oppose fermement, dans une pétition ouverte, en arguant du fait que la mesure prise n'a aucune valeur scientifique (ou très peu) et qu'au contraire, elle constitue une attaque contre la biodiversité, dans la mesure oùil s'agit de races devenues rares (un tiers de la population mondiale de moutons Bizet se trouve aux Kerguelen).
Bon, son argumentation est un peu plus complexe que ça, vous pouvez la lire ici, mais j'ai du mal à bien résumer cette histoire.
Le point sur les espèces introduites, (aaah les troupeaux de rennes introduits !)

En tout cas, si on me demande mon avis - comment ça, non ? -, je suis pour le maintien des troupeaux de moutons et de vaches aux TAAF. Je trouve l'idée de ces animaux retournés à l'état sauvage très jolie.

dimanche 18 avril 2010

Cabaret Sauvage

Le cabaret sauvage se trouve à N'Djili, commune de Kinshasa. C'est le fief de 4 groupes phares de la capitale : le Kasaï Allstars, le Staff Bendi Bilili, les Konono N°1 et un quatrième que j'ai vu ce soir mais dont j'ai oublié le nom.

Ce sont G. et J., les deux improbables touristes, qui m'ont dégotté le plan, et c'est donc ensemble que nous nous sommes rendus Avenue commerciale, N'Djili donc, pour aller écouter Konono n°1 avant qu'ils n'entament une tournée européenne.

Le cabaret sauvage ne paie pas de mine : une petite salle ouverte directement sur l'avenue (ce qui permet aux passants de s'arrêter devant la porte ouverte pour assister aux concerts - seuls les consommateurs ont le droit d'entrer et de s'asseoir), des chaises en plastoc jaune, un bar et les logos des groupes peints sur les 4 murs.


Le truc de Konono, c'est le likembé électrique, aux branchements rudimentaires (souvent à un mégaphone), ce qui lui donne des effets de distorsion assez étonnants. Un percussioniste se munit d'un sifflet, le batteur martèle, et tout le monde chante (en kizombo, je crois, une sorte de dérivé du kikongo) dans un genre de transe répétitive et hypnotique (le tout est quand même assez bruyant).


C'était pas mal du tout.

samedi 3 avril 2010

30 juin, 50 ans


Le 30 juin, la République Démocratique du Congo fêtera ses 50 ans d'indépendance.

En 1960, 14 colonies françaises en Afrique ont accédé à l'indépendance : le Bénin (1er février), le Burkina Faso (5 février), le Cameroun (1er décembre), la Centrafrique (5 février), le Congo-Brazza (15 février), la Côte d'Ivoire (7 février), le Gabon (17 février), Madagascar (26 février), le Mali (22 février), la Mauritanie (28 février), le Niger (3 février), le Sénégal (4 décembre), le Tchad (13 décembre), le Togo (27 décembre).

50 ans, ça pourrait être l'occasion d'une célébration : celle d'une histoire commune, d'une langue commune, des cultures partagées, des métissages opérés.

50 ans, ça pourrait être l'occasion d'un regard en arrière sur les erreurs, les malentendus, les échecs, les mauvais coups (et il n'en manque pas), les erreurs d'appréciation, les clichés encore vivaces.

En France et en Afrique francophone, ce cinquantenaire pourrait permettre un nouveau départ, un état des lieux, un regard critique, une nouvelle approche, tant il est vrai que ni la France ni l'Afrique francophone ne seraient les mêmes l'une sans l'autre.

On pourrait peut-être enfin envisager cette sale Françafrique autrement, oublier un peu les ressentiments, les préjugés, et fêter 50 ans d'indépendance, en se disant que les 50 prochaines années seront fertiles, utiles, amicales entre l'Afrique francophone et la France, en finir une bonne fois pour toute avec le colonialisme.

Malheureusement, ce n'est pas le cas.

La RDC invite le roi des Belges pour le 30 juin. Y aura-t-il un président français pour l'anniversaire de l'indépendance du Sénégal ? Il n'y était pas pour les autres pays, en tout cas, et je ne vois pas les medias français signaler de quelconques commémorations.

Que fait-on pour ce cinquantenaire ? Rien, et d'ailleurs personne n'en parle.